UMR ASTRE

UMR ASTRE

« Animal, Santé, Territoires, Risques et Ecosystèmes »

  • Tutelles : CIRAD, INRA
  • Directeur : Thierry Lefrancois
  • Responsable du dispositif en partenariat « One Health-OI » : Eric Cardinale

A.   Le Contexte

La Réunion est un milieu insulaire tropical fortement anthropisé et connecté aux autres pays et territoires de la Zone Océan Indien, de l’Afrique de l’Est ainsi qu’à l’Europe. Elle se trouve donc au cœur de flux importants d’hommes, d’animaux, et de produits d’origine animale.

Cette position centrale et l’importance de ces flux en font l’un des points chauds d’émergence et de dispersion des maladies infectieuses au niveau mondial. Elles expliquent la mobilisation, depuis la crise du Chikungunya, de nombreuses institutions dont les activités de recherche et de surveillance visent à contrôler ces maladies. Le potentiel de recherche mobilisé sur les maladies infectieuses à La Réunion est important, tant sur le plan des ressources humaines que des infrastructures, malgré une insuffisance des effectifs dans certains domaines clés comme la bio-informatique.

Mais depuis 2008 et la mise en place du programme de recherche « AnimalRisk-OI » porté par le CIRAD , La Réunion et ses partenaires des autres îles de l’Océan Indien ont fait des efforts conséquents pour se doter d’un réseau de surveillance des maladies infectieuses animales qui permet de connaître très rapidement l’apparition d’un foyer de maladie contagieuse et de prendre les mesures qui s’imposent pour prévenir toute extension. En outre, depuis 2008 et toujours dans le cadre de ce programme, de nombreux études scientifiques ont été conduites pour mieux comprendre l’épidémiologie de certaines maladies, jusque-là méconnues voire inconnues.

Les résultats de ces études ont permis de mieux identifier les sources infectieuses et de mieux appréhender les voies de transmission de ces pathogènes. Toutes ces informations ont permis de facto d’améliorer les programmes de lutte en développant des mesures de prévention en adéquation avec la réalité épidémiologique du terrain. Ces travaux ont principalement porté sur des maladies à potentiel zoonotique ou à impact économique majeur.

Aujourd’hui, en effet, 60% des maladies qui émergent chez l’homme ont une origine animale et pour mieux contrer ces maladies, il importe de travailler de manière intégrée avec le secteur de la médecine humaine mais aussi avec les sciences qui étudient l’évolution de l’environnement. C’est dans cette philosophie que nous avons entamé une réflexion globale à l’échelle de l’Océan Indien pour développer une approche holistique de ces problématiques de santé et de maladies infectieuses en associant les ressources de la santé humaine et de la santé animale, en prenant en compte leur contexte environnemental.

Actuellement, cette approche une seule santé (« One Health ») permet de réunir autour cette thématique des maladies infectieuses les directions générales de la santé, les directions des services vétérinaires, les institutions de recherche en santé mais aussi des géographes, des sociologiques. Fort de ce climat de confiance qui existe déjà entre les parties et les différents pays, et qui reste une caractéristique originale et rare à l’échelle internationale, il est désormais temps d’approfondir notre connaissance des risques infectieux qui nous menacent afin de mettre en place les mesures qui s’imposent. Seule une action proactive face à ces menaces permettra de limiter le risque d’apparition de nouvelles crises sanitaires dans la zone Océan Indien puisque tous les facteurs facilitant les émergences de nouvelles entités pathologiques sont présents et en pleine expansion.

Outre le risque strictement zoonotique, il importe aussi de continuer à lutter contre les maladies animales parce qu’elles peuvent aussi avoir un impact économique redoutable. En effet, nombre de ces maladies peuvent provoquer des mortalités importantes au sein des cheptels de l’Océan Indien ou des baisses de performances en termes de production de viande ou de lait. Notre position en tant que région ultrapériphérique faite que nous sommes très dépendants des importations et pour cette raison, il nous faut assurer le propre développement de nos productions locales en sécurisant cet approvisionnement. Ce constat est non seulement valable pour La Réunion mais aussi pour toutes les îles de l’Océan Indien y compris Madagascar. Préserver les populations animales s’inscrit donc aussi dans un objectif de préservation de la sécurité alimentaire pour toute la région.

Dans ce contexte, il est crucial d’accentuer notre action pour contrer les nouvelles menaces sanitaires qui ne manqueront pas d’émerger et trouver les parades qui nous permettront de les maîtriser efficacement ; cette action ne peut être envisagée que si tous les acteurs de la santé de la zone œuvrent dans le même sens par une surveillance des maladies qui existent déjà dans la zone Océan Indien ou qui pourraient être introduites et par une compréhension fine et précise de ces pathologies afin de mettre en place des mesures de lutte adaptées à notre écosystème.

B.    Les activités Océan Indien

Améliorer le contrôle des maladies infectieuses animales et humaines dans l’Océan Indien, par une approche régionale, intégrée, interdisciplinaire et intersectorielle (One Health), via une interface pérenne entre recherche et surveillance

–          La surveillance des maladies infectieuses animales et humaines :

avec les partenaires de la zone et en lien étroit avec le projet veille sanitaire (réseau SEGA) porté par le CI, l’équipe intervient pour renforcer les systèmes de surveillance de la santé animale : le RENESMAC (réseau national d’épidémio surveillance des maladies animales aux Comores) a été mis en place en 2014 et fonctionne avec 5 postes de surveillance pour l’ensemble du territoire ; un réseau d’alertes a été développé à Madagascar sur la base de 13 vétérinaires sanitaires (étendu désormais à 25) incluant l’organisme de recherche du FOFIFA-DRZV et géré par la direction des services vétérinaires ; le réseau a été relancé à Maurice avec la mise en place d’une surveillance électronique et cela devrait être le cas très prochainement aux Seychelles.

Enfin, à La Réunion, l’équipe travaille actuellement avec le GDS reconnu comme organisme à vocation sanitaire pour mettre en place un système efficace de recueil des données. Toutes les informations sanitaires sont transmises aux services du Ministère de la Santé et inversement, les informations relatives à la santé humaine sont transmises aux Ministères de l’Agriculture dans le cadre du réseau SEGA « One Health ».

Trois approches sont développées en parallèle pour consolider ces systèmes de surveillance :

·         La poursuite de la surveillance épidémiologique active : Tous les mois, sont  organisées des conférences électroniques où sont présentés les foyers des maladies infectieuses détectés ainsi que les mesures de contrôle mises en œuvre. Toutes ces informations sont ensuite organisées dans un compte rendu mensuel à destination des responsables sanitaires. Un bulletin trimestriel d’informations épidémiologiques régional est rédigé à destination de tous les acteurs de la santé animale de la zone. Des conférences électroniques sont organisées en cas d’évènement exceptionnel comme l’apparition d’une entité pathologique infectieuse nouvelle afin que les responsables des îles indemnes puissent prendre les mesures de prévention adéquates.

Cette activité est menée en conjonction très étroite avec l’unité de veille sanitaire de la COI dans le cadre du réseau SEGA « One Health ». Cette action requière l’utilisation de diagnostics commerciaux, le développement de nouveaux tests multiplex et le recours dans un proche futur au diagnostic sans a priori.

·         Une accentuation de la surveillance sanitaire électronique : Pour obtenir l’information en temps réel, le recours à la surveillance électronique avec un maillage suffisant des territoires de l’Océan Indien peut nous donner des réponses. Cette mise en place progressive permet de renseigner des données en ligne directement depuis le terrain pour abonder une base de données commune et sécurisée accessible aux responsables de la santé humaine et animale.

·         Le Recours à l’Epidémiologie participative : Ce type de surveillance sur la base de discussions avec les éleveurs et les populations locales permet de confronter les priorités et les perceptions de ces acteurs aux résultats de la surveillance active.

–          La compréhension des phénomènes pour mieux anticiper les crises sanitaires :

·         Vulnérabilité des îles de l’Océan Indien aux maladies infectieuses :

            Le concept de vulnérabilité est emprunté à la géographie qui la définit comme une fragilité vis-à-vis d’un danger auquel est soumis un individu, une organisation ou une société. Généralement, on considère la vulnérabilité sous ses angles biophysique et social.

L’objectif général vise, dans le contexte décrit de vulnérabilité des îles de l’Océan Indien face aux maladies infectieuses, à identifier les différents paramètres/déterminants biologiques, environnementaux (changement climatique en lien avec l’extension des aires de distribution des communautés de vecteurs et de pathogènes), socio-économiques (mouvements des animaux ou de produits animaux entre les continents (africains et asiatiques) et à l’intérieur même d’un territoire donné, accroissement de la population humaine en lien avec la facilité de transport entre les continents) qui permettent à un agent pathogène de s’introduire dans une zone indemne, de diffuser puis de persister sur le long terme.

L’identification de ces déterminants et l’évaluation de leur impact  permettra de mieux comprendre/appréhender les conditions favorables pour l’émergence ou le maintien/la persistance dans un environnement donné de ces maladies infectieuses et notamment celles communes à l’homme et l’animal, dans la zone Océan Indien. Cette compréhension peut nous permettre d’anticiper les événements sanitaires ou l’introduction de populations de pathogènes exotiques pour la zone Océan Indien ou de vecteurs depuis les territoires sources, et de proposer des outils de lutte ou de contrôle opérationnels efficaces.

            Cette approche se veut intégrée, basée sur l’étude des interactions entre les pathogènes, les hôtes (Homme, faune domestique et sauvage), les vecteurs, dans leur environnement agro-écologique et dans un contexte de mondialisation des échanges.

·         La Résistance aux antibiotiques :

La résistance aux antibiotiques est la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. Dans la nature, des bactéries disposent de nombreux mécanismes de résistance, plus ou moins efficaces contre des molécules toxiques auxquelles elles sont confrontées dans leur environnement (métaux lourds, substances antibiotiques sécrétés par les bactéries ou les champignons pour leur propre défense ; la plupart des molécules antibiotiques utilisées par la médecine est initialement issue des bactéries elles-mêmes ou de champignons ou en sont inspirées).

Dans la zone Océan Indien, peu de références en la matière existent à ce jour. Les données du CHU indiquent une sensibilité des bactéries pathogènes à la plupart des antibiotiques mais des cas de plus en plus fréquents de résistance aux bétalactamines, aux céphalosporines notamment et même des bactéries résistantes aux carbapénèmes. La situation dans les autres îles sont variables avec peu de cas constatés à Maurice mais beaucoup plus à Madagascar.  Le danger est cependant bien réel et l’OMS considère même que nous sommes entrés dans une ère « post-antibiotiques » ; comment pourrons-nous nous débarrasser de ces bactéries multirésistantes si plus aucun antibiotique n’est effectivemment efficace ?

Il importe donc de prendre le problème à bras le corps pour évaluer la situation dans la zone Océan Indien et prendre les mesures qui s’imposent. Cette activité vise à répondre à ces objectifs et notamment l’évaluation de l’existence potentielle d’un réservoir chez l’animal de bactéries multirésistantes ayant les capacités à provoquer des problèmes en santé animale en particulier dans les élevages de rente et tout particulièrement dans les élevages hors sol  mais aussi pour la santé humaine ; que cela se produise soit par contact direct soit  alimentaire.

–          Le développement de nouvelles stratégies de contrôle :

La mise au point et l’application en continu de stratégies de contrôle des maladies s’appuient sur le diagnostic, la modélisation épidémiologique et la surveillance, mais également sur la connaissance approfondie des mécanismes impliqués dans le fonctionnement des agents infectieux (pathogenèse, transmission) et dans la protection des hôtes contre les infections (approches vaccinales, cibles thérapeutiques, mécanismes et durabilité des résistances des hôtes).

Ces aspects sont abordés de façon transversale, avec pour objectif finalisé leur intégration dans des stratégies de lutte adaptées contre les agents pathogènes d’intérêt pour la santé dans la Zone Océan Indien et à La Réunion. Le cas échéant, l’accent est aussi sur la mise au point de stratégies de lutte respectueuses de l’environnement et de la santé publique et, concernant spécifiquement la lutte conte les vecteurs (moustiques, tiques) et les réservoirs (rongeurs), sur le développement de stratégies alternatives permettant de répondre à l’accroissement des résistances aux insecticides, acaricides et anticoagulants.